Sous forme de portage salarial, de multi-salariat ou de prestation de services, la souplesse gagnante pour le professionnel comme pour l’entreprise
Remplacement du CDI et du CDD par un contrat unique plus souple, simplification du Code du travail… Les réflexions sur la législation du travail en France et les tentatives de réformes sont actuellement au cœur des débats, l’idée centrale étant d’instaurer davantage de flexibilité afin de fluidifier ce marché du travail.
 
Dans cette recherche tous azimuts de solutions, peu nombreux sont les responsables politiques ou syndicaux qui évoquent les différentes formes de travail à temps partagé, dont le portage salarial. Pourtant, en France, des centaines de milliers de personnes exercent leur profession dans ce cadre-là. Les professionnels comme les entreprises y trouvent, sans conteste, leur compte.
L’emploi à temps partagé consiste pour un actif à travailler pour plusieurs entreprises, via un seul contrat de travail par l’intermédiaire d’un groupement d’employeur, ou bien en cumulant plusieurs formes d’emploi telles que la prestation de services, le muti-salariat ou le portage salarial. “Les entreprises ne connaissent pas très bien ces formes de travail, car les dirigeants sont assez souvent frileux à l’idée de confier des missions à des cadres externes. Aujourd’hui, le patron d’une PME va d’abord chercher en interne s’il a les moyens de résoudre une problématique donnée, et ensuite seulement il va prospecter en externe pour voir si un cadre peut répondre à cette problématique. Ce comportement est très français”, estime Bernard Anglezy, responsable de la communication de la FNATTP (Fédération nationale des associations du travail en temps partagé) et président de Cap Compétences, association de travail à temps partagé. “Au fil des années, l’intérêt des chefs d’entreprise et des institutionnels pour le temps partagé est plus important” estime toutefois David Bibard, fondateur du site Le-portail-du-temps-partagé. fr. Selon de nombreux observateurs, nous assistons aujourd’hui, par ce biais, à une évolution importante dans l’état d’esprit des cadres et des chefs d’entreprise. On ne parle plus de “ce que je sais faire”, mais bien de “ce que j’ai à proposer”.
 
La plupart des pays européens bénéficient d’une flexibilité que nous ne connaissons pas. À titre d’exemple, et selon les chiffres de la FNATTP, le travail à temps partagé représente dans les pays nordiques environ 35?% de l’emploi, mais moins de 9?% en France, soit environ 2?millions de personnes. Il est important de souligner que sur ce total, nombre de travailleurs à temps partagé subissent la situation. Ils cumulent, en effet, deux ou trois contrats de travail à temps partiel, car ils ne réussissent pas à décrocher le CDI qu’ils souhaitent. Toutefois, un nombre croissant de professionnels choisit volontairement ce mode de travail, que ce soit par le biais du multisalariat, en tant que prestataire de services – notamment en portage salarial – ou encore par l’intermédiaire d’un groupement d’employeurs.

Écosystème favorable

Parmi les différentes formes de travail à temps partagé, le portage salarial a indiscutablement le vent en poupe. Selon le syndicat professionnel Peps, environ 50 000 personnes travaillent aujourd’hui, en France, en portage salarial. Sur les dernières années, le secteur connaît un taux de croissance moyen de 10?%. “Nous avons développé notre activité en 2008, et 8 ans après, nous sommes en très forte croissance et continuons de recruter. Le portage salarial croît à deux chiffres chaque année”, assure Éric Atlani, fondateur du groupe Ascalium, spécialisé dans le portage salarial.
 
Le portage salarial est une solution qui consiste pour le cadre de déléguer toute la partie administrative de son emploi à une entreprise spécialisée ; le porté peut ainsi se focaliser sur son métier. Un cadre en portage salarial peut, à titre d’exemple, intervenir sur le déroulé de l’ensemble du projet informatique chez le client final. C’est au consultant porté de trouver lui-même sa mission, et la société de portage salarial facturera ensuite une prestation de services au client final, tandis que le porté sera salarié de l’entreprise de portage. Cette dernière peut en outre lui proposer un panel de solutions et d’outils pour développer son activité. “Nous formons un écosystème favorable pour faciliter la recherche de missions pour les consultants. Cela passe par exemple par du coaching : comment arriver à mieux se vendre ; comment maîtriser les réseaux sociaux professionnels et la prise de parole, etc. Ces différentes formations vont mettre le consultant en capacité de trouver lui-même des missions”, précise Éric Atlani.
 
Le soutien de la société de portage salarial peut s’avérer important sur ce plan. Le consultant porté est certes un expert en son domaine, mais il n’est pas forcément le mieux armé pour se vendre et faire du commercial.
 
L’ordonnance du 1er?avril 2015 définit un cadre clair à l’activité de portage salarial. Aujourd’hui, un certain nombre de définitions et grands principes sont posés comme l’autonomie, l’expertise et la qualification. Il est ainsi dit que le portage salarial ne peut s’adresser qu’à des consultants hautement qualifiés, qui savent faire preuve d’une grande autonomie. La commission moyenne d’une entreprise de portage salarial se situe entre 8 et 10?% du montant du salaire, duquel auront bien sûr été déduites les charges sociales. Mais en regard de la lourdeur de la gestion administrative dans le cadre des professions libérales par exemple, ce pourcentage est faible

Le réseautage avant tout

Le portage salarial et les autres formes de travail à temps partagé multiplient les avantages pour le professionnel. Lorsqu’il travaille en temps partagé, le cadre est en permanence en veille et plus ouvert sur son environnement, car il va œuvrer au sein de différents univers. “Nous restons dans des structures à taille humaine. Du fait de la diversité de nos clients, le travail devient très épanouissant. Il est possible de s’aménager des plages de temps libre. Ceci correspond à une envie actuelle qui est de ne pas subir son travail. La digitalisation de la société facilite le travail sous cette forme, poursuit David Bibard, lui-même contrôleur de gestion en temps partagé. Pour certains professionnels, il s’agit d’une voie pour le retour à l’emploi. C’est souvent un plan B qui se transforme en plan A. Pour ma part, je travaille depuis 5 ans avec la même entreprise pour la clôture mensuelle des comptes. Je n’interviens que pour ce besoin précis, donc quelques jours par mois.”
 
Le professionnel peut ainsi passer par le multi-salariat. Il peut aussi opter pour la prestation de services en tant qu’indépendant, en autoentreprise ou profession libérale. Mais il lui faudra dans ce cas intégrer toute la partie commerciale – savoir vendre ses propres compétences – et administrative. Quelle que soit la formule retenue, la patience et le développement de son réseau sont deux incontournables. En effet, une “touche” ne peut se révéler fructueuse que plusieurs mois après, et ce marché ne se structure pas encore complètement autour des petites annonces et autres plateforme d’indépendants proposant leurs compétences

Les différents visages du temps partagé

Opérant sur ce type d’organisation du travail, les ETTP (Entreprise de travail à temps partagé) vendent des prestations auprès d’autres entreprises. Ce sont elles-mêmes qui vont salarier les cadres (voir en encadré l’interview de Thibault Cornudet). Les cadres qui souhaitent opter pour le travail à temps partagé peuvent également se rapprocher de l’une des 30 associations promouvant ce mode d’organisation, chapeautées par la FNATTP. Que recherchent les professionnels qui adhèrent à une structure de ce type ? Selon Bernard Anglezy, ils ont généralement deux objectifs bien précis : “d’une part, se créer du réseau, car l’un des problèmes majeurs de ces cadres est de savoir se vendre. D’autre part, ils savent que chacun peut profiter des recherches de missions des autres. Il est toutefois bien clair que ce type de structures associatives ne se pose pas en concurrents des sociétés d’intérim ou de chasseur de têtes”.
 
Autre possibilité, mais qui concerne davantage les non-cadres : il s’agit du groupement d’employeurs sous forme d’association à but non lucratif. Ce groupement va salarier par exemple une assistante à temps plein qui va travailler pour plusieurs entreprises. Il salarie la personne qui est donc en CDI. Il va également établir son emploi du temps avec les différents employeurs.
 
Ces groupements d’employeurs peuvent salarier des profils et des niveaux de qualification très divers. Le plus important groupement d’employeurs français est spécialisé dans l’industrie automobile.

Bon pour les PME

Si le professionnel va bénéficier des nombreux avantages liés au travail à temps partagé, l’entreprise va, bien entendu, également y trouver son compte. Pour piloter au mieux sa trésorerie, s’engager sur un nouveau marché, s’adapter à une nouvelle réglementation ou tout simplement clôturer ses comptes, le dirigeant d’une PME aimerait souvent bien s’appuyer sur les compétences d’experts, mais il n’a pas toujours les moyens, ni les besoins sur le long terme, de recruter en CDI. La mission sera réalisée en un temps et un coût précis qui auront été fixés au préalable, ce qui est rassurant et sécurisant pour le chef d’entreprise comme pour le consultant. “L’intérêt du temps partagé est à ce niveau : l’entreprise va pouvoir trouver une personne qui a une expertise pointue, qui peut travailler sur le long terme avec l’entreprise et qui apprécie de travailler pour plusieurs employeurs. En tant que prestataires de services, nous amenons une vraie souplesse pour l’entreprise et une flexibilité réelle par rapport à un emploi régit par le code du travail”, assure David Bibard.
Source : http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/travail-a-temps-partage-la-multi-flexibilite-28876/
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